vendredi 9 janvier 2015

Max Weber - Le savant et le politique

Max Weber - Le savant et le 
politique (La Découverte, 2003)
Je suis en train de lire Habermas au complet, et puisque Max Weber est une grande source d'inspiration pour sa théorie de l'agir communicationnel, j'ai commencé à chercher ses œuvres et je suis tombé sur Le savant et le politique. Or, à ma grande surprise, j'ai trouvé là un homme accessible, un peu comme Fichte dans ses conférences intitulées Le caractère de l'époque actuelle. De sentir une telle proximité du penseur est toujours réjouissant.

Tout en m'attardant dans la librairie à essayer de trouver un passage qui saura susciter mon intérêt de façon assez forte pour que j'achète le livre, je suis tombé sur le passage où l'auteur parle du problème du sens de la science. Selon Weber, le sens de la science serait problématique puisque son achèvement se trouve à l'infini. Toujours en quête, toujours dépassée par elle-même, «le travail scientifique est emporté dans le déroulement du progrès». Puisque tout «accomplissement» scientifique implique de nouvelles «questions», il demande à être «dépassé» et à vieillir. Or, de même, nous dit Weber, puisque la vie de l'individu civilisé est emportée dans le «progrès», dans l'infini, elle ne devrait pas avoir de terme du point de vue de sa signification immanente propre. Dans le contexte du «désenchantement du monde» où tout est virtuellement maîtrisable par le calcul, non seulement la mort est absurde, mais par contrecoup, la vie aussi le devient puisqu'ils sont des événements dépourvus de sens ou dont le sens est repoussé à l'infini par notre vision «scientifique» du monde.

Le rejet de la raison : une impasse

Amartya Sen - L'idée de justice
(Flammarion, 2009)
J'étais en train de lire la partie sur la raison et l'objectivité du livre du prix Nobel d'économie Amartya Sen intitulé L'idée de justice lorsque je suis tombé sur un passage parlant de la politique d'Akhbar, un empereur moghol du 16e siècle en Inde.

Tenant compte de la diversité culturelle en Inde qui était déjà grande à cette époque, l'empereur Akhbar, de religion musulmane, a choisi la raison et rejeté le traditionalisme, prenant donc le parti de la tolérance envers les différentes confessions dans son pays. Selon Sen, la thèse primordiale de Akhbar était que la solution des problèmes difficiles en matière de morale et de justice sociale se situe dans «la recherche de la raison» et non dans «le marécage de la tradition». Cependant, Akhbar va encore plus loin: il va déclarer la raison «absolue».

En effet, pour Akhbar, ceci deviendra une évidence: la suprématie de la raison est absolue, puisque «même pour contester la raison il faut donner des raisons». Donc la solution aux problèmes soi-disant causés par le rationalisme ne repose pas dans l'antirationalisme, et ici je pense aussi à l'hypothétique «contradiction interne» de la Raison telle qu'on pourrait la trouver dans La dialectique de la raison de Horkheimer et Adorno, mais dans plus de raison, donc plus de rationalisme, ou plutôt, selon Sen, une raison qui évite d'être imbue de ses propres raisonnements et qui ignore les objections ou les arguments susceptibles de conduire à la conclusion opposée.

Puisque (et c'est cette phrase qui m'a convaincu) le remède à un mauvais raisonnement, c'est un meilleur raisonnement, et non pas le rejet en bloc de la raison tel que le prône le courant antirationaliste.